17/11/2025
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Un stéthoscope ausculte des poumons
Littérature médicale

L’échographie pleuro-pulmonaire en soins primaires : une nouvelle norme diagnostique

Depuis l’actualisation des recommandations conjointes de la SPLF et de la SPILF en mars 2025, l’échographie pleuro-pulmonaire occupe une place croissante  dans le diagnostic des affections respiratoires, en particulier des pneumonies aiguës communautaires. Longtemps considérée comme une technique complémentaire non contributive sur l’appareil pleuro pulmonaire, l’échographie est désormais reconnue comme une alternative fiable à la radiographie thoracique, notamment en soins primaires.

L’échographie clinique présente de nombreux avantages pratiques : acquisition rapide des images, interprétation immédiate  au lit du patient, absence d’irradiation et bon niveau de reproductivité dans les mains d’opérateurs expérimentés. Elle permet dans certaines situations cliniques d’éviter le recours systématique à la le radiographie, tout en contribuant à un diagnostic plus précoce et intégré au raisonnement clinique. 

Dans cet article, nous vous proposons un tour d’horizon des données actuelles sur l’échographie pleuro-pulmonaire, afin de vous offrir une vision globale de son apport dans la pratique clinique quotidienne.

Pneumopathies : l’avis de la SPLF et de la SPILF

Les recommandations actualisées de la SPLF et de la SPILF1 marquent un tournant dans la prise en charge des pneumonies aiguës communautaires chez l’adulte. Pour les médecins de soins primaires, ils consacrent l’échographie comme un outil diagnostique fiable, rapide et désormais reconnue comme une option diagnostique en première intention, lorsque le praticien est formé.

Dans les suspicions de pneumonie aiguë, qu’elles soient ambulatoires ou hospitalisées (graves ou non graves), l’échographie est reconnue comme une alternative valide à la radiographie thoracique. Elle est particulièrement indiquée chez les patients en insuffisance respiratoire aiguë, lorsque la qualité de la radiographie est compromise.

Les performances diagnostiques de l’échographie pleuro-pulmonaire sont solides : la méta-analyse de Orso et al.2 (5108 patients) rapporte une sensibilité de 92 %, une spécificité de 93 % et une AUC à 0,97, avec des résultats homogènes dans la majorité des études. Même lorsque l’opérateur n’est ni radiologue ni échographiste, comme dans la revue de Strøm et al.3, la sensibilité reste élevée (>91 % dans 14/17 études), et la spécificité dépasse 80 % dans plus de la moitié des cas.

Les durées d’examen sont courtes (souvent <10 minutes), ce qui rend l’échographie clinique particulièrement adaptée au contexte de soins primaires. 

Autres affections pulmonaires et éclairages de la littérature4

Le cas du pneumothorax

Au-delà des pneumopathies, l’échographie pleuro-pulmonaire gagne une place croissante également comme outil au diagnostic du pneumothorax. 

Les données récentes confirment sa performance diagnostique. La méta analyse de Dahmarde et al.5, portant sur 10 études et 1565 patients adultes, rapporte une sensibilité de 82,9 % et une spécificité de 98,2 %, avec un rapport de vraisemblance positive groupé de 44,32 (intervalle de confiance : 10,80–181,84). Ces chiffres traduisent une capacité élevée à confirmer le diagnostic lorsqu’un pneumothorax est détecté.

Chez les patients âgés, souvent plus difficiles à évaluer par radiographie en contexte de traumatisme ou de complication iatrogène, la méta-analyse de Ticinesi et al.6 montre une sensibilité de l’échographie à 78,6 %, contre seulement 39,8 % pour la radiographie thoracique. De même, Sorensen et al. retrouvent une sensibilité de 88 % pour l’échographie, largement supérieure à celle de la radiographie (46 %), avec une spécificité remarquable de 99 %.

Ces résultats confirment que l’échographie pleuro-pulmonaire est non seulement plus sensible que la radiographie dans de nombreux contextes, mais qu’elle possède une spécificité très élevée

Le cas de la décompensation cardiaque

Dans le cas de la décompensation cardiaque droite ou globale, notamment en contexte de dyspnée aiguë, la littérature constate que l’échographie permet une évaluation rapide, non invasive et reproductible de la congestion pulmonaire, en particulier par l’analyse des lignes B et du syndrome interstitiel diffus.

Les données issues de la littérature sont particulièrement robustes. Sorensen et al.7, à partir de six études incluant 1827 patients, rapportent une sensibilité de 88 % et une spécificité de 90 %, avec une valeur prédictive positive (VPP) de 0,88 (IC 95 % : 0,83–0,90) et une valeur prédictive négative (VPN) de 0,90 (IC 95 % : 0,81–0,95). Staub et al.8, dans une méta-analyse de 11 études portant sur 3981 patients, retrouvent des performances similaires, avec une sensibilité comprise entre 75 et 90 % et une spécificité entre 80 et 90 %.

Le protocole utilisé influence significativement les résultats. Une approche approfondie, comme le protocole de syndrome diffus modifié, permet d’atteindre une sensibilité de 90 % et une spécificité de 93 %, contre 73 % et 84 % pour le protocole simple. Ces données soulignent l’importance de la formation et de la standardisation des pratiques pour maximiser la performance diagnostique.

Comparée à la radiographie thoracique, l’échographie montre une supériorité nette. Maw et al.9 rapportent une sensibilité de 88 % et une spécificité de 90 % pour l’échographie, contre 73 % et 90 % pour la radiographie. Au-delà des chiffres, l’échographie permet un diagnostic plus rapide : dans l’étude randomisée de Sorensen et al. (518 patients), l’échographie clinique du coeur, associée à celle du poumon, offre une précision diagnostique supérieure à l’examen clinique seul (AUC 0,95 vs 0,88, p < 0,01), et même à la combinaison radiographie/NT-proBNP (AUC 0,95 vs 0,87, p < 0,01), avec un délai de diagnostic réduit à 5 minutes contre 104,5 minutes.

Ces résultats confirment que l’échographie pleuro-pulmonaire, intégrée à une approche clinique élargie, permet une identification rapide et fiable de la décompensation cardiaque. Elle offre aux praticiens un outil de triage puissant, particulièrement adapté aux soins primaires et aux contextes d’urgence, tout en réduisant le recours aux examens irradiants et aux biomarqueurs coûteux.

Conclusion

L’échographie pleuro-pulmonaire s’affirme aujourd’hui comme une composante incontournable du raisonnement clinique en soins primaires et en médecine d’urgence. Les recommandations actualisées de la SPLF et de la SPILF (2025) reconnaissent son rôle dans le diagnostic des pneumonies aiguës communautaires, tandis que la littérature récente élargit son champ d’application: pneumothorax, décompensation cardiaque, dyspnée aiguë ou encore épanchement pleural.

L’ensemble des études convergent vers une même conclusion: entre des mains formées, l’échographie pleuro-pulmonaire constitue un outil fiable, rapide, reproductible et de plus en plus accessible, au service du raisonnement clinique intégré.

Dans un contexte où la médecine de terrain impose des décisions rapides, fondées sur des données cliniques fiables et accessibles, l’échographie clinique renforce l’autonomie diagnostique des praticiens

Elle permet, en quelques minutes, de confirmer ou d’infirmer des hypothèses diagnostiques majeures, sans irradiation, et avec une performance diagnostique souvent comparable, voire supérieure dans certains contextes, aux examens d’imagerie conventionnels.

Loin d’être une simple alternative, l’échographie pleuro-pulmonaire s’impose progressivement comme un réflexe clinique, un véritable prolongement du regard et du toucher médical. Elle contribue à réinventer l’examen clinique en l’intégrant à la démarche décisionnelle du praticien, sans pour autant remplacer les outils d’imagerie traditionnels lorsque ceux-ci sont nécessaires.

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Articles cités

1 A. Dinh et al, Actualisation des recommandations de prise en charge des pneumonies aiguës communautaires chez l’adulte par la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et la Société de pneumologie de langue française (SPLF). Avec le soutien de la Société de réanimation de langue française, (SRLF), de la Société française de microbiologie (SFM), de la Société française de radiologie (SFR) et de la Société française de médecine d’urgence (SFMU), Revue des Maladies Respiratoires, Volume 42, Issue 3, 2025

2 Orso D, Guglielmo N, Copetti R. Lung ultrasound in diagnosing pneumonia in the emergency department: a systematic review and meta-analysis. Eur J Emerg Med. 2018 Oct;25(5):312-321.

3 Strøm JJ, Andersen CA, Jensen MB, Thomsen JL, Laursen CB, Skaarup SH, Schultz HHL, Hansen MP. Evaluating general practitioners' focused lung ultrasound competence and findings in patients with suspected community-acquired pneumonia in general practice. Scand J Prim Health Care. 2025 Jun;43(2):359-369

4 Basé sur l’analyse de Hagiu et al, l'État des lieux sur l’intérêt de l’échographie pulmonaire en soins primaires : une revue parapluie de la littérature.

5 Dahmarde H, Parooie F, Salarzaei M. Accuracy of Ultrasound in Diagnosis of Pneumothorax: A Comparison between Neonates and Adults-A Systematic Review and Meta-Analysis. Can Respir J. 2019 Dec 3;2019:5271982.

6 Ticinesi A, Scarlata S, Nouvenne A, Lauretani F, Incalzi RA, Ungar A; GRETA (Gruppo di Ricerca sull’Ecografia Toracica nell’Anziano) Group of the Italian Society of Gerontology and Geriatrics (SIGG). The Geriatric Patient: The Ideal One for Chest Ultrasonography? A Review From the Chest Ultrasound in the Elderly Study Group (GRETA) of the Italian Society of Gerontology and Geriatrics (SIGG). J Am Med Dir Assoc. 2020 Apr;21(4):447-454.e6

7 Sorensen B et al, Point-of-care ultrasound in primary care: a systematic review of generalist performed point-of-care ultrasound in unselected populations. Ultrasound J. 2019 Nov 19;11(1):31

8 Staub et al, Lung Ultrasound for the Emergency Diagnosis of Pneumonia, Acute Heart Failure, and Exacerbations of Chronic Obstructive Pulmonary Disease/Asthma in Adults: A Systematic Review and Meta-analysis. J Emerg Med. 2019 Jan;56(1):53-69.

9 Maw et al. Diagnostic Accuracy of Point-of-Care Lung Ultrasonography and Chest Radiography in Adults With Symptoms Suggestive of Acute Decompensated Heart  Failure: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Netw Open 2019;2:e190703.